En des temps révolus que l’Histoire a presque effacés à présent, naquit un impétueux guerrier.
Tout commença au fin fond d’une épaisse forêt, dense, humide, impénétrable. Cet endroit, au demeurant idyllique, était peuplé d’une myriade de créatures fabuleuses en tous genres. Les sources d’eau, rivières, lacs, marais, y étaient plus qu’abondants. On y trouvait ainsi principalement de sublimes Naïades, nymphes des sources et des cours d'eau, à la redoutable beauté, qui attiraient sur leur territoire les jeunes gens afin de les noyer...
Triste sort en vérité, leur beauté n’égalait que leur cruauté envers la gent masculine…
C’est ainsi que Poissondezil vit le jour. Abandonné à la naissance dans cette jungle, il fut recueilli par un petit groupe d'aquamanciens. Il acquit très vite une grande expérience de la chasse, du tir à l'arc, et dompta bon nombre de dragons des mers, hydres et autres serpents aquatiques durant son adolescence.
Tout semblait calme et destiné à perdurer en ce sens. Seulement, une menace planait sur la petite communauté… non loin de là venait de s’établir un campement de Trolls. En ces temps là, les Trolls étaient bien plus barbares et cruels qu’aujourd’hui. Leurs descendants feraient office d’Elfes civilisés à côté de leur montre de violence et d’animosité.
Tapie dans l’ombre, une aquamancienne éclaireuse découvrit le campement, bruyant et agité ; elle eut un sursaut de peur et d’angoisse. Un petit son strident sortit inopinément de sa gorge. Son cœur battait à tout rompre. Elle crut mourir sous le coup de l’émotion et de la terreur qui la paralysaient. Fidèle aux préceptes qu’on lui avait enseignés durant son entraînement, elle reprit tout doucement son calme… mais quelque chose d’étrange se tramait… il n’y avait plus aucun bruit dans le campement…tout était devenu silencieux, un silence plus qu’inquiétant. Elle se laissa glisser lentement sur le sol afin de passer inaperçue… Le courant d’air chaud et nauséabond qui venait d’effleurer sa nuque ne laissait plus aucun doute…elle tourna la tête brusquement et tout devint noir… c’en était fini…
Ce n’était que le début de la fin pour les aquamanciens. À peine quelques heures plus tard, déferlèrent sur les vierges contrées des Naïades une multitude de Trolls assoiffés de sang. Ce fut un véritable massacre. Non préparés, les mages ne purent que contempler leurs frères égorgés, décapités, mutilés… Les sources d’Aquos, dieu païen des océans, baignaient le paysage d’un rouge plus sombre que le sang lui-même… d’épais nuages s’étaient formés au dessus de la forêt. Les survivants prirent la fuite, parmi eux, Poissondezil qui, malgré le courage et la volonté de combattre ces monstres dont il faisait preuve, du se résigner à céder devant le nombre et la force brute de ces viles créatures.
Suffocant, l’archer courait à perdre haleine, sans se retourner, et fut, d’un seul coup, happé par un énorme tourbillon. Aquos vengeait ses protégés. La terre et les eaux venaient d’engloutir les Trolls ainsi que le village des Nymphes. Un énorme cratère s’était formé. Il ne restait plus que les corps épars de nombreux guerriers et nymphettes. Le sang desTrolls quant à lui ne souillerait pas cette Terre Sacrée.
Cette vengeance avait un goût amer. Ne croyant plus vraiment en ses enseignements, n’ayant plus foi en sa propre religion, le jeune guerrier décida de s’exiler. Abandonnant derrière lui ce qui restait de son peuple, jadis fier et combattant.
Au fil du temps, les blessures du cœur laissèrent place aux cicatrices et aux stigmates bien réels de la vie. Il avait bataillé ferme pour survivre jusque là. Il errait depuis des semaines, des mois… il ne le savait plus. Il finit après moult pérégrinations par arriver sur les côtes de sa terre natale. Ces vastes étendues d’eaux se formant devant lui lui paraissaient familières… il ne pouvait, malgré toute sa volonté, oblitérer et renier ses origines. L'archer décida donc d’établir un campement de fortune, à l’abri d’un rocher près de la mer. Vivant de sa propre pêche et de sa chasse il resta quelques jours à contempler l’océan. Hésitant sans doute à quitter cette terre…
Contre toute attente, il décida du jour au lendemain de fabriquer un radeau de fortune. Une fois les préparatifs terminés, la nourriture et l’eau potable bien ficelés sur ce « bateau » il se mit en route. Il voguait paisiblement… et ce durant plusieurs jours… mais ce qu’il craignait arriva… Aquos ne pardonnait pas l’abandon ou la traitrise. Il déchaîna contre le pauvre guerrier la fureur des océans.. les orages, les vagues, les tornades se dirigeaient vers le frêle radeau… la houle se déchainait, puis une énorme vague, de plusieurs dizaines de mètres apparut. Un visage semblait se dessiner, ayant visiblement l’intention d’engloutir purement et simplement l’archer. Puis ce fut le trou noir…
Entrouvrant les yeux, à demi inconscient, il se trouva nez à nez avec un homme :
- « Où…où… où suis-je ? dit-il en tremblant.
- N’ayez crainte jeune homme, nous allons nous occuper de vous. Vous êtes à bord de l’Océan ! Nous vous avons recueilli inconscient il y a quelques jours au large des côtes d'Alidhan. Nous sommes à destination de Fuisserage désormais.
- Je… je… merci… »
Poissondezil referma les yeux, et sombra dans un profond sommeil, réparateur, loin de toute contrainte physique ou morale… il venait de rencontrer l’un des Exilés.
Son destin était en marche…