Seule fille d'une famille de paysan, je n'avais d'autre choix que d'épouser l'homme que mon père aurait désigné...
Mais cela allait contre ma nature. Je me suis enfuie et j'ai longtemps erré de villages en villages, vivant de petits travaux où je pouvais en trouver. Ma vie n'avait pas vraiment de but...jusqu'au jour où j'ai entendu parler d'un prince vaillant, forcé de s'exiler afin de pouvoir rassembler ses troupes. J'avais trouvé ma voix ! Je ne trouverais de véritable repos que lorsque le prince serait sur le trône.
J'ai alors intégré une guilde d'exilés, mais celle-ci ne s'engageait pas assez pour la justice, et je ne trouvais pas vraiment ma place.
Au cours d'une aventure, je découvrais alors la Cité de Venecia, bastion d'exilés fringants et volontaires, qui ont accepté de recueillir dans leur rang la jeune archère que j'étais devenue.
Lorsque j'ai quitté mon village, j'ai effectué de nombreux et très divers travaux. Au cours de l'un d'entre eux, bien avant d'arriver sur les Terres d'Alidhan et de rejoindre la Guilde de Venecia, il me fallut nettoyer la bibliothèque d'un très vieil homme, nommé Eobar, qui m'offrit en échange le gite et le couvert. Tout en haut d'une étagère poussiéreuse se trouvait un énorme manuscrit qui attirait mon regard depuis que je travaillais dans cette pièce. Le troisième soir, EObar, remarquant mon intérêt, me dit que je pouvais le lire si j'en avais envie, à condition d'en prendre grand soin. Ce que je fis aussitôt le dîner fini !
De la couverture du manuscrit, un peu rugueuse au toucher, émanait une impression de sagesse, une sensation qui nous emmenait en dehors du temps présent. Le titre, écrit en grandes lettres magnifiquement calligraphiées, me donnait à la fois envie d'ouvrir le livre et de me plonger dans ses promesses d'aventures, et de remettre presque religieusement le manuscrit à sa place sur l'étagère, trop intimidée pour oser percer les mystères qu'il dégageait...
Bien sûr, une fois de plus, la curiosité l'emporta, et je décidais de profiter de la belle soirée éclairée par une lune majestueuse pour commencer :
La Renaissance des Dragons
Chapitre 1
Autrefois, le peuple d'Onechak vivait en paix, et en harmonie avec le peuple des dragons. Notre race était fière et puissante, et les valeureux dragons étaient nos amis. Mais le Grand cataclysme, annoncé par la Prophétie des Ombres, a changé tout cela. Le plus grand des malheurs est arrivé : il y a près de 2000 ans, le dernier des dragons s'est éteint...
Cette terre magnifique dont nous étions si fiers n'est plus, elle-non plus. Les créatures de l'Ombre hantent désormais nos villes et nos villages, les hommes gagnés par la corruption, se battent entre eux, avides d'or et de pouvoir, et les elfes ont fui dans leurs havres, méprisant la nature corrompue de ceux qu'ils considéraient autrefois comme des frères.
C'est dans ce monde dénaturé que je suis né, moi Flar, fils de Mardok et d'Ambella. Ma famille, qui descend d'un noble lignage, ne fait pas honneur à ses ancêtres. Mon père règne en tyran sur ce qui reste de nos terres, terrorisant toute créature vivante et imposant sa volonté avec les menaces les chantages, et la force cruelle. Mes trois frères aînés sont morts dans des joutes sans fin, désirant montrer à notre père qu'ils étaient chacun les mieux placer pour être son héritier. Au côté de père, il ne reste que ma mère, qui pleure des fils et la cruauté de leur père à longueur de journée, et moi, qui tremble de honte et de colère à chaque acte de mon géniteur.
J'ai aujourd'hui 15 ans, et jusqu'à l'année dernière, j'étudiais les sciences, les lettres, l'histoire avec Polius, mon très cher précepteur. Père l'a tué lui-même il y a maintenant 10 mois, quand mon dernier frère Amgam est mort sous les coups d'un guerrier qu'il avait défié. Polius a osé dire à mon père que ma destinée était avec les sages, dans la cité de Joria, la dernière ville de lumière. Pour les sages là-bas, les dragons étaient réels, et n'étaient pas devenus légende ou mythe comme pour la plupart des habitants d'Onechak. Au plus profond de mon cœur et mon âme, je désirais aller étudier avec ces sages et trouver une solution au Mystère des Œufs de Pierre, et grâce à Polius, j'avais gagné mon droit d'entrer dans Joria... Mais mon rêve a pris fin avec les morts d'Amgam et de Polius, et aujourd'hui je suis mon père partout où il va : il m'apprend à être son successeur.
Désormais, les jours se suivent et se ressemblent : ce n'est que massacres et autres atrocités, auxquels je dois assister, et j'entame ce journal car j'ai peur de changer, j'ai peur de devenir le digne fils de Mardok le cruel, et ces lignes représentent tout l'espoir qu'il me reste. J'ai tant de fois songé à la fuite, ces derniers mois, mais il me faudrait abandonner ma mère, et la fureur de mon père serait telle qu'il anéantirait tout sur son passage. J'ai pourtant de fortes chances de quitter ce monde bientôt : les créatures de l'Ombre et de la Nuit sont de plus en plus aventureuses, et le feu salvateur ne les intimide même plus. Si rien ne change, les Ombres vont gagner leur combat, et la race des hommes rejoindra alors celle des dragons dans les légendes. Hier, nous sommes allés jusqu'au bourg de Sciota, à quelques miles seulement de notre chateau, et le spectacle que nous y avons trouvé témoignait qu'une fureur, bien pire et bien plus vile que celle du seigneur des lieux, était passée par là. Les murs détruits étaient peints de sang, et nous n'avons trouvé aucun survivant. Mais ce qui m'a le plus troublé, je crois, ce ne sont pas les restes de corps déchiquetés que se disputaient les charognards, mais le fait de voir la peur dans les yeux de mon père. Cette fois, Mardok avait trouvé un adversaire plus terrible que lui, et le maître de ces terres désolées se doutait lui aussi que la fin était proche.
Les rondes ont été doublées, et les gardes ont reçu l'interdiction de se saouler. Certains sont venus me demander ce qu'on allait faire, à moi Flar ! Ce qui prouve à quel point les choses vont mal. Ce soir, où le jour suivant, les Ombres attaqueront, et rien ne dit que nous pourrons leur résister...